Mythes et légendes apparaissent là où on ne s'y attend pas dans Agharta et servent de ciment à une intrigue qui mêle science-fiction et culte au dieu Tamarix. Explorer leur origine et leur signification peut permettre de mieux cerner un manga complexe aux nombreux non-dits. Voici un petit tour d'horizon des mythes auxquels Takahal Matsumoto se réfère dans Agharta.
Un simple coup d'oeil sur la couverture suffit pour prendre connaissance de la première référence à une croyance que contient l'oeuvre de Takahal Matsumoto. Son titre lui-même est en effet porteur d'une signification forte et son rapport avec le contenu du manga, s'il n'est pas évident, est bien réel et donne de nouvelles perspectives à l'intrigue d'Agharta.
Dans le Bouddhisme, l'Agharta (également orthographié Agartha) est un royaume souterrain auquel on peut arriver par un réseau de tunnels et de galeries qui le relie à la surface. Deux des multiples accès à ce monde intérieur sont situés aux Pôles Nord et Sud. On prétend également que l'Agharta serait le paradis auquel on accéderait après sa mort. L'Agharta contient des étendues d'eau, de terre et même plusieurs villes, dont sa capitale, Shambala. Ses millions d'habitants sont dotés d'une connaissance, d'une sagesse et de capacités que n'ont pas les habitants de la Terre.
On peut retrouver cette idée d'une terre creuse qui contiendrait en son sein un autre monde dans les croyances de nombreuses civilisations mais aussi dans la mythologie ou la littérature. Dans le roman "The Smoky God", l'écrivain Willis Emerson raconte ainsi le voyage d'un marin norvégien en Arctique, sa découverte d'un monde au centre de la Terre et sa rencontre avec ses habitants. D'autres sources prétendent que l'Agharta abriterait les civilisations disparues des Mayas et des Aztèques, les secrets de continents légendaires tels que l'Atlantide ou toutes sortes de créatures extraordinaires.
Ce n'est pas en considérant cette description de l'Agharta au premier degré que l'on trouvera un rapport avec l'oeuvre de Takahal Matsumoto. En effet, à aucun moment, il n'y est fait référence à un quelconque monde souterrain. Mais, plutôt qu'au sein de la Terre, l'Agharta du manga de Takahal Matsumoto serait plutôt à chercher du côté du monde intérieur propre à chaque individu.
Si les êtres peuplant le royaume souterrain décrit par le Bouddhisme atteignent un état supérieur après leur mort, ne pourrait-on pas considérer l'Agharta comme un degré de sagesse ou de perception qu'on acquerrait au terme d'épreuves ? Symbole de la difficulté et des sacrifices induits par les épreuves à passer, la mort pourrait même être la condition nécessaire pour atteindre l'Agharta.
Dans le manga de Takahal Matsumoto, des jeunes filles, choisies comme cobayes par les Highlanders, subissent des expériences visant à les amener aux portes de la mort. Selon Fujinski, entre la vie et la mort, se trouve le Rem, cette chose que l'on désigne tantôt comme un bruissement, tantôt comme une personnalité, et ces expériences visent à le mettre à jour. L'objectif final des recherches des Highlanders est le "plan de reconstitution de l'humanité", la création d'un être humain plus évolué. Après la création d'un nouveau corps pour l'homme, à base de Tamarix et doté d'une longévité exceptionnelle, les Highlanders cherchent à faire évoluer la conscience humaine. Le Rem est la clef de ces recherches.
Comme dans l'Agharta bouddhique, la mort est donc l'épreuve à laquelle il faut se confronter pour trouver le Rem et atteindre un degré de perception supérieur. C'est à cette condition que naîtra le nouvel être humain souhaité par les Highlanders.
Le chaudron de Gundestrup est un artéfact celtique qui date du deuxième siècle avant Jésus Christ. Si ses origines restent obscures, on sait qu'il avait un rôle religieux et servait à des rituels permettant d'entrer en contact avec les dieux. Il est composé de treize plaques d'argent, douze d'entre elles présentant des motifs illustrant la mythologie celte.
L'une de ces plaques apparaît dans le volume 5 (page 178) d'Agharta pour accompagner les propos de Sandra qui expose à Jean-Lake les rituels sacrificiels du peuple antique des Iris. Cette illustration présente la résurrection de guerriers morts par l'action d'un géant et de son chaudron dans lequel il les plonge. En plus de revenir à la vie, les guerriers ressortent "grandis" du chaudron. De simples fantassins deviennent en effet des cavaliers et montent un cheval.
La présence du chaudron de Gundestrup dans le manga de Takahal Matsumoto n'est pas évidemment pas anodine. Elle vient dans le prolongement de la notion d'Agharta précédemment développée. En se confrontant à la mort, l'être humain peut atteindre de nouvelles facultés, illustrées ici par la présence du cheval. Le géant capable de ressusciter les morts et de les faire évoluer ne serait-il pas le dieu Tamarix, vénéré par la civilisation des Iris et placé au coeur des expériences des Highlanders ?
Dans la mythologie grecque, la déesse Iris est la messagère des dieux. Comme l'arc-en-ciel auquel elle est souvent assimilée, Iris représente le lien entre le ciel et la terre. Elle est dotée d'ailes dorées et d'un voile coloré qui évoque un arc-en-ciel. En grec, "iris" signifie d'ailleurs "arc-en-ciel".
Dans Agharta, Iris est le nom d'une civilisation antique qui vouait un culte au tamarix. A cette époque, nombre de rituels et de sacrifices humains étaient pratiqués en l'honneur de la plante. La civilisation des Iris est certainement celle que l'on découvre dans le flash-back que Takahal Matsumoto entame dans le volume 7 d'Agharta.
Arrivé au tome 9, il n'est pas évident que les Iris et les Highlanders désignent les mêmes personnes. Pourtant, le terme "Iris" ne peut qu'évoquer les Highlanders et leur rôle dans l'intrigue d'Agharta. Dans le culte du tamarix, ceux-ci jouent en effet le rôle d'intermédiaires entre les hommes et les dieux. A l'instar de la déesse grecque, ils sont l'unique lien de la population avec le tamarix, l'unique voix de ses volontés et sélectionnent les élues, ces jeunes filles qui pourront aller à la rencontre des dieux sur Higher Ground.
Toutefois, la mythologie grecque n'est peut-être pas la seule explication à la présence du mot "iris" dans Agharta. A plusieurs reprises, on voit les Highlanders soigner et guérir des personnes, rappelant ainsi le rôle protecteur de la fleur d'iris au Japon. Les Japonais placent ainsi ses feuilles dans leur bain afin de se préserver des maladies.
Le tamarix (ou tamaris) est un arbuste que l'on trouve principalement dans les régions méditerranéennes. Symbolisant l'immortalité pour les uns, annonçant la pluie pour les autres, il a un statut particulier pour de nombreuses civilisations.
Pour toutes ces raisons, sa présence dans Agharta n'est pas fortuite. Dans le manga de Takahal Matsumoto, le tamarix provient de météorites qui se sont écrasées sur Terre et sert d'ingrédient principal à la création des corps réceptacles. Ceux-ci offrent l'immortalité à leurs propriétaires, et notamment aux Highlanders (Fujinski et Opitz parvinrent ainsi à survivre à la grande catastrophe naturelle qui ravagea le monde d'Agharta).
Après la grande catastrophe naturelle, le tamarix a un statut divin. Ce sont les Highlanders qui lui donne ce statut en le plaçant au coeur d'un culte qui semble monté de toutes pièces. Ils répandent l'idée que le tamarix permet de se rapprocher des dieux et d'acquérir l'immortalité. Abusant de la crédulité de la population, les Highlanders utilisent ce culte du tamarix pour recruter de jeunes filles comme cobayes pour leurs expériences sur Higher Ground.
Par ailleurs, ayant pu pousser dans le désert, le tamarix est porteur d'espoir car il indique la présence d'eau.
En chinois, un Tang Ki désigne un chaman, une personne possédant une perception extra-sensorielle qui lui permet d'entrer en contact avec l'au-delà. Dans les sociétés traditionnelles, il sert de pont entre le monde des morts et celui des vivants.
Dans Agharta, les mariées Tang Ki sont de jeunes filles sélectionnées par les Highlanders pour les rejoindre sur Higher Ground. Il est dit que, une fois là-bas, elles pourront rencontrer les dieux. Elles deviendront en fait les cobayes des expériences pratiquées par les Highlanders. Amenées aux portes de la mort pour entrer en contact avec le Rem, ces jeunes filles jouent un rôle qui n'est pas sans rappeler celui des chamans.
Le but des recherches dont les mariées Tang Ki font l'objet sur Higher Ground est la création d'un nouvel être humain, une évolution tant physique que mentale. Ce nouvel être humain, et ses nouvelles capacités psychiques supposées, évoque également les pouvoirs qu'on attribue au chaman et justifie la présence du terme "tang ki" dans Agharta.